Rituels et croyances autour de la maternité
À Mayotte, de nombreux rituels et croyances entourant la grossesse et la naissance varient selon les familles (6, 7, 8).
AVANT LA NAISSANCE
> L’état de grossesse confère à la femme un statut particulier qui lui permet d’être choyée et écoutée. Des prières spécifiques, qu’elle doit réciter, ont pour but de garantir le bon déroulement de la grossesse ainsi que la bonne santé de l’enfant à venir. Certaines croyances entraînent des précautions, ce sont les miko (interdits), qui dictent ce que la future mère ne doit pas faire. Chaque femme a des miko différents qui dépendent du mari et sa famille. Exemples : éviter d’être seule (sous peine de risquer d’attirer des créatures maléfiques), ne pas regarder les personnes handicapées (sous peine de transmettre le handicap à l’enfant à naître), ne pas rendre visite à un mort ou passer autour du lieu où se trouve le mort (sous peine d’avoir ensuite beaucoup de pertes blanches ou autre), éviter de manger du piment, ne pas assister aux égorgements d’animaux (de même : les maris des femmes enceintes ne doivent ni égorger, ni assister à l’égorgement des animaux)…
D’autres peuvent retentir sur le suivi de la grossesse : traditionnellement les femmes enceintes tardent à consulter une sage-femme par peur des commérages, du mauvais œil ou tout simplement pour garder le secret. Dans certaines circonstances de la grossesse, avoir recours à une masseuse traditionnelle est courant avant d’avoir recours aux méthodes médicales hospitalières (par exemple dans les cas de présentation du siège au 9e mois). Tout au long de la grossesse, sont organisées par la famille ou le mari des cérémonies visant à protéger la mère et l’enfant à naître des mauvais djinns, du mauvais œil et des esprits maléfiques (5, 6, 7, 8). Si la grossesse n’est pas désirée, des breuvages à base de plantes aux vertus abortives (feuilles de papayer entre autres…) sont concoctés par des anciennes ayant des connaissances en la matière, avant de consulter le médecin ou la sage-femme (pouvant entraîner des métrorragies importantes voire des hémorragies).
> L’arrivée d’un enfant dans une famille constitue un évènement important. Celui-ci bénéficiera d’une place particulière dans le groupe familial dès sa venue au monde. Cette place dans la famille diffère et évolue en fonction de son sexe et de ses acquisitions. Son éducation le prédestinera à endosser un futur statut de père ou de mère (5, 6, 7, 8). À la naissance, le père, le fundi (Maître coranique) ou un proche de la famille récite d’abord à l’oreille droite du nouveau-né une prière, le adhane, expliquant qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que Mohammad est le messager. Ensuite on récite, le lquamat, à l’oreille gauche du nouveau-né. Ces prières ont pour but de l’accueillir dans la religion, de formuler des vœux bienveillants pour son avenir et de lui donner les bons conseils sur les éléments extérieurs tels que le soleil, le ciel, l’eau de pluie... Parfois, selon la période de l’année (en cas de mauvaise étoile), le bébé est pris en charge assez rapidement par l’accompagnante ayant veillé sur l’accouchée, échappant ainsi aux bras maternels. Il sera ensuite présenté aux membres de la famille présents. Il fera partie de la communauté familiale et religieuse, il est donc autant l’enfant de la famille que celui de ses parents… Il n’est pas un individu mais un membre de la communauté, en charge de perpétuer les traditions islamiques (5, 6, 7, 8). D’autres rituels concernant l’enfant peuvent également être observés pendant les premiers jours avant que les autres personnes puissent le voir ou le prendre. Ces rituels varient en fonction des familles.
APRES LA NAISSANCE
> Juste après l’accouchement, la femme doit se laver pour être purifiée avant de regagner sa chambre de l’hôpital.
> Le placenta, quant à lui, est aussi au cœur des préoccupations familiales : l’équipe obstétricale ayant pris en charge la mère et l’enfant, est chargée de le remettre à la famille, afin qu’il soit enterré. Dans certains villages, s’il s’agit d’une fille, le placenta sera enterré à l’intérieur de la cour familiale et une pierre sera posée au-dessus pour éviter qu’un animal le déterre. Si c’est un garçon, le placenta sera enterré à l’extérieur de la cour, devant la maison familiale. Il s’agit là d’un rite représentant l’ancrage du nouveau-né dans sa famille. Le fait de l’enterrer permet entre autres de le cacher des esprits malveillants, pour éviter que ces esprits accèdent au nouveau-né par son intermédiaire. Mais il peut y avoir d’autres explications à ce rituel.
Durant le séjour à la maternité, il arrive qu’on aperçoive dans les berceaux, un miroir à côté de la tête du nouveau-né. Ce miroir a pour but d’éloigner les esprits malveillants, qui selon les croyances, prennent peur lorsqu’ils voient leur image dans le miroir.
> À la sortie, le bébé sera maquillé au niveau des sourcils, entre les deux yeux et sur la langue (avec du charbon ou du khôl), toujours dans le but d’éloigner les esprits malveillants (le mauvais œil). Pour le protéger et lui porter bonheur, une amulette, le hirizi, un petit paquet de tissu renfermant des versets du Coran, lui sera attaché au moyen d’une épingle à nourrice sur son vêtement (6).
> De retour à la maison, le fundi sera consulté toujours dans le but d’éviter au bébé les rencontres avec des esprits malveillants (6).
> Durant 40 jours, mère et enfant seront encadrés à la maison par la koko (grand-mère) et par les sœurs. Ces moments seront plutôt réservés aux femmes. La jeune mère ne pourra recevoir son mari qu’en visite simple, l’abstinence étant de mise durant cette période. Pour son premier enfant, la jeune mère sera encadrée et accompagnée dans ses premiers gestes par sa propre mère. Elle sera “cocoonée” et bien nourrie avec des aliments énergétiques afin d’éviter l’affaiblissement et de favoriser le rétablissement. Les femmes de la maison veilleront à son repos le plus complet (6,7).
> Le 7ème jour, selon les familles, il y aura parfois un rituel d’enveloppement de plantes de la jeune mère par la koko (grand-mère). C’est un rituel de passage de l’état de femme à celui de mère. On l’appellera dorénavant soit par son prénom, soit par celui du bébé (maman de… par exemple Mama Faïza).
> Ce même jour, a lieu l’Akika (baptême). L’Akika est une protection pour toute la vie de la personne. Si l’on n’a pas les moyens de le faire ce jour, on peut le rattraper à n’importe quel moment de la vie. Certaines familles pratiquent l’Akika après la mort de la personne au lieu de le faire à la naissance.
Pour ce faire, on égorge un cabri si c’est une fille, et deux cabris si c’est un garçon. On partage la viande en trois parts : 1/3 donné aux pauvres, 1/3 au voisinage et 1/3 pour la famille. Cette cérémonie lui instaure une place en tant qu’humain sous l’influence de Dieu (7,8).Le bébé sera baigné dans des herbes colorées aux vertus bienfaisantes, selon les croyances familiales propres.
> Le 40e jour suivant l’accouchement donne lieu à un autre rituel pouvant correspondre à la période de transition entre l’état de mère et celui de femme. Accompagnée de sa mère et/ou sœur, elle prend un bain rituel purifiant (traditionnellement à la mer) avec un ordre gestuel particulier (6,7), c’est le Nifasse. Avant le Nifasse, si la mère doit sortir de l’environnement familial (par exemple pour recevoir des soins externes à la maternité), elle appliquera dans ses oreilles du coton, afin de se protéger du bruit, du vent… pour éviter de devenir malentendante. Le Nifasse peut s’effectuer plus tôt si les métrorragies du post-partum ont cessées (7 ou 20 jours). Elle pourra, dès lors, de nouveau, s’apprêter physiquement, appliquer le Mzindzano (masque protecteur de la peau du visage à base de bois de santal), se coiffer, prier, aller et venir à sa guise à l’extérieur et retrouver une activité sexuelle (6, 7, 8).